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Blockchain et RSE : émergence d’un Social Smart Contract

Lepetit Jeremi

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Si Nick Szabo imaginait déjà en 1996 les contours d’un smart contract, il a fallu attendre l’arrivée de Ethereum le protocole de Vitalik Buterin pour voir se développer ces nouvelles formes de contrats intelligents. Depuis, de nombreux autres protocoles (EOS, Tezos, Dune, FANTOM, Neo, etc.) développent la part d’intelligence intégrée à la blockchain et autres sous-jacents technologiques (DAGchain, Holochain, etc.).

Le smart contrat : matière grise de la blockchain

C’est un protocole informatique destiné à automatiser l’exécution des termes d’un contrat. Une fois codé et déployé sur la blockchain, le smart contract est inviolable, autonome dans son exécution et vérifiable par l’ensemble des parties du réseau car distribué.

Il existe une infinité d’application potentielle pour un smart contract (multi signature, comptes séquestres, inter-chaîne, flux de paiement, collecte de donnée auprès d’oracles, etc.) et il est aisé de voir les avantages offerts (automatisation, précision, fiabilité, rapidité, économie, transparence, sécurité, stockage, etc) par ces différents protocoles aux métiers légaux, juridiques et même financiers.

Si la blockchain est la mémoire infalsifiable du registre comptable, le smart contract est la surcouche intelligente qui conditionne l’exécution des transactions d’une monnaie devenue programmable. Le temps est venu de doter cette intelligence d’une forme de conscience sociétale et faire de l’industrie des actifs numériques, la figure de proue d’une économie plus responsable. Le social smart contract est l’outil idéal pour développer et programmer la prise de responsabilité sociétale des entreprises.

Le Social Smart Contract (SSC) : qu’est ce que c’est ?

Le social smart contract est un protocole programmable au service des ambitions sociétales des entreprises. Considérant que, toutes les entreprise doivent à présent concevoir un business plan qui intègre une réponse significative aux enjeux sociétaux de notre époque et que cette prise de responsabilité doit porter à proportion non négligeable des performances économiques réelles de l’entreprise, le SSC doit permettre d’en faciliter la mise en oeuvre.

Concrètement le SSC est un ensemble de règles informatiques entre 3 (ou plus) parties directement concernées par l’exécution du contrat. 2 des parties (ou plus) programment les termes et les règles d’exécution du contrat. La 3éme partie (ou plus) ne sera pas impliqué dans cette étape de configuration mais sera définie comme « social beneficiary » du contrat.

Le social beneficiary est la tierce partie représentant, une cause, une association, une ONG, ou une projet désigné comme bénéficiaire des engagements sociétaux de la/les partie(s) concernée(s).

Illustration fictive par l’exemple : Renault et la Société Générale

Disons que Renault veuille vendre une flotte auto à la société générale et assure aux équipes de la banque (sensible à la cause des orang-outang en Malaisie) que l’entreprise finance un vaste programme de retrait de l’huile de palme des biocarburants via l’ONG BioGaz Palm Free (BGPF ONG) et ce, à hauteur de 0,5% de son chiffre d’affaire annuel. Ce que confirme le site corporate de Renault dans la section RSE.

Le constructeur et la banque définissent alors les conditions de vente de la flotte auto (quantité de véhicule, modèles, date de livraison, tarif dégressif, échéancier de paiement, etc) et déterminent quel en sera le social beneficiary. Le volet “social” du smart contract déterminant les propriétés de financement de Renault à l’ONG à hauteur de 0,5% du flux financier (CA) réalisé sur la période du contrat. Pendant toute l’exécution du contrat, la contribution financière de Renault à l’ONG sera versée automatiquement à chaque échéance de paiement de la banque. La Société Générale pourra en toute transparence suivre la bonne exécution de cette prise de responsabilité sociétale indexée au chiffre d’affaire de Renault. De son côté l’ONG n’aura peut-être même pas conscience qu’un social smart contract est à l’œuvre à son bénéfice.

SSC : origine d’un concept en devenir

Le concept du social smart contract est né fin 2018 pendant l’élaboration du modèle économique (business design) de la fintech retreeb. Dans le cas de retreeb (nouveau réseau de paiement), le modèle repose sur la tokenisation de la transaction en s’appuyant sur un réseau de stablecoin collatéralisés aux monnaies d’usage de l’utilisateur. Le paiement s’effectuant avec le token, on s’affranchit des commissions interbancaires appliquées par les banques et réseaux (Visa, Mastercard, etc.) aux commerçants. En réduisant l’intermédiation des banques, retreeb applique ses propres commissions à chaque transaction (1,5% sans fixe). Puis, retreeb prend l’engagement de verser un tiers des revenus générés au bénéfice du projet social ou environnementale choisi par l’utilisateur parmi une sélection de projet disponibles sur son wallet.

business modèle de retreeb

C’est dans un souci d’automatisation, de transparence et de fiabilité qu’a été conçu le premier social smart contract de retreeb. Un processus à 2 niveaux et entre 4 parties qui s’exécute à chaque transaction opérée sur le réseau.

Un premier niveau entre les 3 parties signataires du contrat :

  • l’utilisateur disposant des fonds (stablecoin) sur son wallet et choisissant un projet
  • le commerçant collectant les fonds de la transaction sur son business wallet
  • retreeb captant une commission (1,5% du montant de la transaction)

Un second niveau intégrant le social beneficiary (projet) sélectionné par l’utilisateur sur son wallet avec le versement de ⅓ des commissions de retreeb au wallet du social beneficiary.

Avec de telles propriétés ce SSC assure l’intégrale automatisation du processus et une transparence totale pour l’ensemble des parties. Ainsi, retreeb donne une nouvelle dimension au paiement en faisant d’un acte quotidien inscrit au cœur des échanges économique, un acte responsable. C’est une nouvelle façon d’appréhender la finance. Une approche qui corrèle, à la racine du modèle économique, croissance et prise de responsabilité sociétale.

SSC : brique technologique pour une économie responsable

Le SSC est l’outil idéal pour les entreprises qui prennent le virage de la responsabilité sociétale (RSE) et un argument marketing de premier plan pour des consommateurs/clients toujours plus sensibles et exigeants sur l’engagement des entreprises, la transparence et la probité de la gouvernance.

Bien que techniquement accessible, le niveau global d’acculturation des entreprises sur le sujet est encore très faible et plus encore quand il s’agit de RSE programmable. Aussi, il est plus simple de concevoir un Social Smart Contract à l’amorçage d’un nouveau business car par nature plus facile à mettre en œuvre. Par conséquent, l’industrie des actifs numériques et l’ensemble des startups qui la compose, sont en première ligne pour les développer et les déployer.

C’est d’ailleurs aussi l’idée que défend l’une des figures de l’industrie, Owen Simonin alias Hasheur et fondateur de Just Mining : “La blockchain n’est qu’une technologie dont les propriétés de chaque protocole dépendent de leurs concepteurs. Mais avec une traçabilité extrême, la programmation de la transparence et de la gouvernance, cette technologie offre au monde des caractéristiques uniques pour tendre vers plus de responsabilité sociétale des entreprises.”

Blockchain et industrie des actifs numériques sont encore indissociable. Mais il n’en sera pas toujours le cas. Progressivement la blockchain sera assimilée et deviendra un sous-jacent majeur de toutes les industries et tous types de service. C’est une opportunité rare pour les startups du secteur de contribuer activement à l’avènement d’une économie responsable.

Jérémi Lepetit - co-founder retreeb

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