Réseaux sociaux et chaînes d’info en continue, cancer de la démocratie.

Lepetit Jeremi
7 min readJan 11, 2021

Ce que je vais écrire risque de ne va pas plaire à certains mais dans un contexte aussi tendu que le notre, où chacun y va de sa mesure choc, où les langues les plus haineuses se délient et où nôtre état de droit vacille, j’y vais de ma suggestion pleine d’assertion.

WEB 2.0 pour démocratie 0.5

10 ans que je fais, que j’observe, que je pratique et que je décrypte les réseaux sociaux, que j’accompagne des marques dans leur stratégie social media pour capter une audience soumise au diktat des algorithmes. Ne serait-il pas venu le temps de tirer un bilan de ces plateformes et de se poser cette simple question : Fondamentalement, qu’apportent les réseaux sociaux à nos sociétés démocratiques ? Et vous le savez vous ? Vous êtes vous déjà posé cette simple question ?

Oh bien sûr, vous allez me parler de la sacro-sainte liberté d’expression. Mais alors nos démocraties étaient-elles moins des démocraties avant Facebook, Twitter, Insta, Snapchat et TikTok ? N’était-on finalement pas tout aussi libre d’exprimer nos opinions il y a 15 ans ? Évidemment la réponse est NON. Elle avait juste moins de portée.

On pourrait alors opposer le rapprochement des peuples, le libre-échange des idées et même le maintien du lien social pour les plus isolés. Mais là aussi ça ne tient pas. Pour ce qui est de la fraternité, inutile de faire un dessin sur le climat délétère actuel. Pour ce qui est du libre échange des idées, c’est là, l’essence même d’internet et non des réseaux sociaux. De plus, ouvrir la vanne à “idées” c’est aussi (surtout ?) charrier un flot infini de déchet. Enfin, et c’est probablement le plus grave des paradoxes, on sait depuis 2017 que les réseaux sociaux créent et accroissent le sentiment de solitude des gens (étude de l’université de médecine de Pittsburgh).

Même la rapidité de circulation de l’information mainstream ou alternative, n’est le signe d’aucune amélioration de nos sociétés. Fake news, complots, propagande mainstream, articles pute à clic et manœuvre de déstabilisation en tout genre, n’ont jamais autant desservi l’information et la crédibilité du journalisme. Et ce ne sont même pas des outils de contre pouvoir crédible.

Non, j’ai beau creuser la question et bien que j’y trouve un intérêt personnel pour un usage que je qualifierais d’éclairé, il ne me vient aucun argument tangible en faveur des réseaux sociaux pour nos sociétés démocratiques. Et en me la posant à nouveau, je ne peux répondre que : “Rien, il ne nous apporte rien”. Alors pourquoi les conserver ?

Quand c’est gratuit c’est nous le produit.

Individuellement, ces plateformes s’adressent aux zones de plaisir de nos cerveaux. Facebook en pionnier a conçu son Ux sur le modèle des concepteurs de casinos et les autres lui ont emboité le pas. Satisfaire le besoin primaire d’attention de l’être l’humain et le récompenser avec des interactions, elles mêmes sources de dopamine (neurotransmetteur du bonheur éphémère). Au-delà des dommages psychologiques — démontrés sur les plus jeunes (et pas que), ces plateformes n’ont qu’un seul et unique but : le profit si possible net d’impôt.

Leur gratuité est le piège originel. Un ami californien me disait en 2012 : “Les USA vous colonisent numériquement, comme les anglais l’ont fait avec les amérindiens. Ils vous échangent vos données personnelles contre une interface sympa où perdre votre temps.” Jeu, Set et Match. Le temps, les réseaux sociaux font commerce de notre temps. Notre ressource la plus rare, la plus irremplaçable. En résumé, Facebook, Snap, Insta & Co vendent notre temps à des annonceurs via des interfaces conçues pour être addictives et à un coup énergétique exorbitant.

Non seulement nous déversons nos données personnelles dans des data lake aux USA (attention au spoil pour la @CNIL ^^) mais en plus nous consumons notre temps sur des interfaces qui nous nuisent personnellement (temps, estime de soi, solitude, addiction, etc.). Et plus grave encore, ces plateformes nuisent également à nos sociétés. 15 ans de réseaux sociaux, n’est-il pas temps d’en faire le bilan et de tirer sa révérence ?

Twitter 140 mesures de haine…

A l’heure où certaines voix tentent de mettre à bas l’anonymat sur Twitter, j’irais beaucoup plus loin. Et si nous bannissions purement et simplement cette plateforme de notre société. En France la greffe de Twitter n’a pas prise. Twitter est ici un réseau social périphérique qui compte seulement quelques millions d’utilisateurs. Pourtant toutes les personnalités de premiers plans s’y retrouvent. C’est un réseau social d’influenceur en tout genre (politique, marketing, idéologique, people, journalistique, etc.).

Mais le gros des “twittos” est composé de militant (anonyme ou pas) pro et anti tout et n’importe quoi. Twitter est un déversoir de haine et de raccourci permanent. Comment a ton pu laisser ces gazouillis devenir le medium d’une telle violence. Un espace où les langues se délient, les propos les plus borderline se tiennent avec pour quête la seule performance algorithmique et le buzz, dans une surenchère exacerbée. Parfois ce sont de simples vagabonds du web pris dans l’engrenage d’une violence écrite continue, qui finissent par tenir eux même des positions de plus en plus abruptes.

Twitter broie l’esprit de consensus, radicalise les positions des uns et des autres qui se retrouvent attaqués de toute part. Personne n’est préparé psychologiquement à affronter Twitter en 2020, surtout dans une société aussi polarisée. Twitter détruit la fraternité au sommet de notre société dans un combat qui consume la cohésion nationale.

Nos politiciens, nos journalistes, nos éditorialistes (faudra un jour qu’on m’explique ce métier totalement fictif), nos médias, ont une lourde responsabilité dans l’usage et la promotion de cette plateforme.

Le bilan de Twitter en France n’est pas reluisant et le contenus positifs, éducatifs ou constructifs qu’on y trouve n’est qu’une bien trop maigre compensation. Tout au plus cela devrait être une plateforme privée pour journalistes, entreprises, communicants et marketeux, soucieux d’échanger des informations en temps réel. Un univers plus proche de LinkedIn. L’outil Twitter a été détourné de son concept d’origine le jour où politiques et médias s’en sont emparés. Devenue une tumeur cérébrale dans nos démocraties, ne serait-il pas temps de l’extraire ?

Chaînes de métastase en continu.

C’est sans doute l’opinion qui m’attirera le plus de critique. Mais que penseriez vous de supprimer les fréquences TNT de BFM, de Cnews et LCI ? Depuis leur lancement en 2005 que nous ont apporté ces chaines d’informations en continue ?

De l’info que nous n’avions pas avant ? Assurément pas. Une tribune pour la diversité des opinions ? Assurément pas. Une plus grande objectivité dans le traitement de l’information ? Assurément pas. Une meilleure indépendance du journalisme face aux puissances financières ? Assurément pas. Une plus grande liberté d’expression ? Assurément pas.

Ces antichambres de “l’élite journalistique”, experts du tweet subjectif et de l’information low-cost n’ont fait que contribuer gravement au délitement de notre société. Elles vivent (survivent) de nos oppositions et de l’appétence naturelle des humains pour le sensationnel au détriment de l’idée. Comme sur Twitter, leur royaume, elles traitent l’information en 140 caractères sur des plateaux TV où les troubadours experts de la flute de pan se succèdent. Ces chaines ont détruit le poids de la parole publique à coup d’exigence médiatique. Inutile de faire des statistiques pour observer le glissement et la responsabilité de celles-ci dans l’hyper-médiatisation politique. Un espace, où trop content d’y trouver une tribune en self-service, la classe politique c’est enlisée.

Ces chaines si souvent dénoncées au CSA pour la tenu de propos haineux, stigmatisants et offensants sont aujourd’hui en passe de rendre le discours identitaire du rassemblement national aussi banal que celui du parti populaire français (de Jacques Doriot) dans les années 30. Faites un test simple. Coupez vous de vos émotions 5 min, faites abstractions des évènements et de toute temporalité, juste branchez vous sur l’une de ces chaînes, et écoutez la sémantique, la rhétorique employée, notez les changements de ton selon les thèmes abordés, les profils des invités, etc. Vous serez alors choqués de découvrir que des chaînes comme celles-ci passent en claire dans notre pays en 2020.

Je le pense, ces médias ne nous apportent rien. Ni informations supplémentaires, ni tribunes alternatives, ni fraternité dont on manque tant, ni liberté supplémentaire. 15 ans déjà, ne pourrait-on pas en faire le bilan et offrir à nos démocraties une “infothérapie” ?

C’était mieux avant ou pas !

Et ce sera ma conclusion. Rien ne saurait nous faire revenir dans un passé fantasmé par certains. Rien n’arrête le temps et si le futur n’est que hypothèses, le passé est bel et bien révolu. Ces réseaux et ces médias ont été un temps l’incarnation de l’innovation et même du progrès. Ils sont aujourd’hui le mobilier meublé de nos sociétés. C’est focalisé sur le présent que nous vivons que j’aimerai que l’on tire un bilan de ces 15 années de réseaux sociaux et d’information continue. Sans remonter le temps, ne serait-il pas tout simplement intéressant de nous construire un autre présent et donner une nouvelle trajectoire à un avenir qui semble dangereusement s’assombrir ?

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